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Demander de l’aide : Qu’est-ce qui vous retient? Pourquoi est-ce encore si difficile?

30 octobre 2025


Par Caroline Tremblay, Psychologue
Avec la collaboration de Carole Saint-Maximin


On croit souvent qu’il faut aller très mal pour demander de l’aide. Mais parfois, c’est bien avant que le besoin se fait sentir — à ce moment fragile où le cœur s’essouffle un peu, où les pensées s’embrouillent sans bruit.

Pour certains, dire « j’ai besoin d’aide » coule naturellement. Pour d’autres, ces mots se coincent dans la gorge, comme un souffle retenu. Et ce, même à une époque où l’on parle de santé mentale plus ouvertement, où les campagnes de sensibilisation se multiplient et les mots se libèrent.


Alors, pourquoi est-ce encore si difficile?


Reconnaître sa vulnérabilité, c’est déjà un premier pas vers soi, intime, courageux, mais souvent redouté. Demander de l’aide, ce n’est pourtant pas s’avouer vaincu : c’est oser dire « j’existe, et je mérite d’aller mieux ».

Les recherches en psychologie et en sociologie, nous permettent justement de mieux comprendre ces résistances, ces fils subtils qui freinent la main tendue. Derrière chaque silence, il y a souvent une peur, une croyance, ou une habitude profondément ancrée. Cependant, les spécialistes s’entendent : la difficulté de demander de l’aide repose bien souvent sur des mécanismes universels, partagés par beaucoup d’entre nous :

  • La peur du jugement social
  • L’auto-stigmatisation
  • La crainte de se montrer émotionnellement vulnérable
  • La valorisation de l’autonomie
  • L’angoisse d’être un fardeau
  • La méconnaissance des signes et ressources
  • Les obstacles concrets

Explorons ensemble ces freins invisibles, ces barrières intérieures, et comment, peu à peu, apprendre à les reconnaître.


La peur du jugement social

Le jugement des autres peut peser comme un manteau lourd sur nos épaules, même lorsque nous avançons dans des milieux ouverts et bienveillants. On imagine les regards, les murmures, le frisson d’un mot mal interprété. Beaucoup craignent d’être perçus comme « moins capables » ou « fragiles » (Vogel, Wade & Haake, 2006).

Cette peur n’est pas seulement extérieure : elle s’insinue au plus profond de nous. Elle colore notre miroir intérieur, déforme l’image que nous avons de nous-mêmes, et parfois, nous retient de tendre la main vers l’aide dont nous avons besoin.

Et pourtant… si nous écoutions la voix douce de notre courage, plutôt que les jugements intérieurs ou ceux que nous imaginons des autres? Si nous nous offrions la permission d’être humains, vulnérables et pleinement vivants…

Alors, pourquoi continuer à leur permettre de nous réduire au silence?


L’auto-stigmatisation

Souvent, les personnes qui ont besoin d’aide, s’empêchent de la chercher, prisonnières des propos qu’elles ont déjà entendus sur les troubles mentaux. Elles absorbent les jugements de la société et les retournent contre elles-mêmes, jusqu’à ce que leur voix intérieure devienne dure, exigeante, telle un impitoyable tribunal.


Et la roue continue de tourner dans leur esprit :

  • Je devrais pouvoir m’en sortir seul…
  • Nos parents et grands-parents affrontaient tout sans aide… ils étaient forts…
  • Il y a toujours pire que moi…


Ces pensées, comme des échos insistants, finissent par étouffer le désir de demander de l’aide, même lorsque personne d’autre ne les juge.


La crainte d’être émotionnellement vulnérable

Comme le souligne si bien la chercheuse Brené Brown, « La vulnérabilité est le berceau de l’amour, du sentiment d’appartenance, de la joie, du courage, de l’empathie et de la créativité. » (Daring Greatly, 2012).


Pourtant, nombreux sont ceux qui hésitent encore à se dévoiler émotionnellement. La peur surgit lorsqu’on se tourne vers ces souvenirs lointains, enfouis, où se sont glissées des blessures que l’on croyait oubliées.

Parler, c’est réveiller ce qui dort, c’est regarder en face les fragments de soi que l’on a pris soin de cacher. Cette hésitation fait reculer le premier geste, le simple pas vers l’aide.

Même pour celles et ceux qui savent que des ressources peuvent les accompagner, reconnaître qu’on ne va pas bien demande une étincelle de courage…

Un courage discret, presque imperceptible, mais qui ouvre la possibilité de se rencontrer pleinement, avec ses forces et ses fragilités.


La valorisation de l’autonomie

« Je vais m’en sortir seul. » C’est souvent le réflexe premier, surtout chez les jeunes adultes. Dans une étude devenue classique, Rickwood, Deane et Wilson (2005), ont montré que beaucoup privilégient d’abord l’auto-prise en charge, avant de consulter. Pour certains, demander de l’aide serait admettre une incapacité.

Pourtant, la réalité est tout autre : solliciter du soutien n’est pas un signe de faiblesse, mais un acte de lucidité et de courage.

Quelques points essentiels :

  • Reconnaître qu’on a besoin d’accompagnement, c’est faire preuve de clairvoyance sur sa propre situation et choisir de ne pas se laisser isoler par ses difficultés.
  • Demander de l’aide, loin de diminuer l’autonomie, la renforce.
  • S’appuyer sur les autres, permet de se donner les outils nécessaires pour avancer et se relever.
  • L’autonomie ne se mesure pas à ce que l’on fait seul, mais à la conscience et à la responsabilité avec lesquelles on choisit ses appuis pour grandir et se rencontrer pleinement.

Parce-que, chercher du soutien, c’est se donner la liberté d’avancer en étant pleinement soi-même.


L’angoisse d’être un fardeau

Les travaux du psychologue, Thomas Joiner (2005), dans le cadre de sa Théorie interpersonnelle du suicide, mettent en lumière un concept clé : le sentiment d’être un fardeau pour les autres. Selon lui, lorsqu’une personne croit que sa détresse alourdit ou dérange ses proches, elle préfère souvent se taire. On veut « protéger », éviter de « faire de la peine ».


Or, Joiner souligne que ce silence a souvent l’effet contraire : il isole, renforce la détresse et bloque toute possibilité de soutien.


Aider quelqu’un, au contraire, crée du lien : dans l’échange et le partage de ce poids invisible, on sent naître une proximité réelle, et la détresse trouve enfin un espace pour être accueillie.


La méconnaissance des signes et des ressources

Beaucoup de personnes ne savent pas reconnaître les signes de détresse, qu’il s’agisse de symptômes de dépression ou d’anxiété et c’est tout à fait normal. L’incertitude face à ces manifestations et la peur de ne pas identifier la « bonne » ressource, peuvent toutefois retarder la demande d’aide, parfois jusqu’à ce qu’une crise majeure survienne.


Pourtant, il suffit souvent d’un premier contact, d’un geste ou d’une parole, pour que la situation bascule et qu’un soutien approprié commence à se mettre en place.


Reconnaître la détresse et savoir vers qui se tourner, ouvre la porte à des réponses concrètes et à un soulagement réel.


Les obstacles concrets

Au-delà des freins intérieurs, il existe des obstacles tangibles qui rendent parfois la démarche d’aide encore plus difficile.

  • Le coût des services
  • Les délais d’attente et les contraintes d’horaire
  • La peur de manquer de confidentialité …


Ces barrières sont bien réelles, et il est normal de s’y heurter.


Pourtant, chaque obstacle peut devenir un petit défi à surmonter, une invitation à chercher le bon appui, à s’informer et à avancer pas à pas. Même une toute première porte, aussi discrète soit-elle, peut ouvrir un espace où l’on se sent entendu, soutenu et compris.

Prendre ce premier pas, c’est choisir de ne pas rester seul avec ses difficultés et s’offrir la possibilité de transformer un obstacle en rencontre et en accompagnement.


Comment faire le premier pas?

Voici quelques façons concrètes de briser le silence, même quand c’est difficile :

  • Commencer petit : Parlez d’abord à quelqu’un en qui vous avez confiance. Même une phrase simple peut ouvrir la porte : « Je ne vais pas très bien ces derniers temps, et j’aimerais en parler un peu. »
  • Nommer l’hésitation : Dire à voix haute qu’on ne sait pas trop par où commencer, peut détendre la situation et lever la gêne. Par exemple : « J’ai un peu de mal à en parler, mais je sens que j’ai besoin d’aide. »
  • Se rappeler que c’est un geste de courage : La vulnérabilité n’est pas une faiblesse : elle est la mesure de votre courage, comme le rappelle Brené Brown. Oser parler, même un peu, est déjà un acte fort.
  • S’informer avant de consulter : Se documenter, appeler Info-Social 811 ou visiter un CLSC, peut aider à savoir exactement ce dont on a besoin, et à se sentir plus préparé avant de rencontrer un professionnel.
  • Se rappeler qu’on mérite du soutien : Demander de l’aide n’est pas un privilège : c’est un droit fondamental. Vous avez la légitimité d’être entendu, compris et soutenu.


Les ressources au Québec

  • Info-Social 811 (24 h/24, service gratuit et confidentiel)
  • Ligne québécoise de prévention du suicide : 1 866 277-3553
  • CLSC et services psychosociaux de première ligne
  • Répertoire des psychologues : www.ordrepsy.qc.ca


Conclusion :  Nous ne sommes pas faits pour tout porter seuls

Si ces mots parviennent à une seule personne qui hésite depuis longtemps, qui porte sa détresse en silence, et l’incitent à tendre la main ou à franchir la porte d’un soutien, alors chaque ligne aura trouvé sa raison d’être.

Comme le dit Brené Brown : « Nous ne sommes pas faits pour tout porter seuls. » Et c’est souvent dans ce geste, parfois tremblant mais sincère, que commence la véritable guérison, celle qui reconnecte, soulage et ouvre à la vie.

Oser demander, c’est s’offrir une respiration nouvelle, c’est reconnaître que nous méritons tous d’être entendus, compris et soutenus.

Et dans cette ouverture, humble et courageuse, naît le premier souffle du changement, le début d’un chemin vers soi-même et vers les autres, un premier pas fragile porteur de promesses.


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